Avant
propos
[
Dans
une société où les hypocrites ( quand
il ne s'agit pas de lâcheté )
ont l'opportunité de sévir, souvent présents sur les chaînes de
la télévision publique, quand, dans le même temps, les démocrates
sont plus rarement en situation de pouvoir défendre les libertés
personnelles contre l'assujettissement des consciences inhérent aux
codes sociaux du communautarisme
Depuis
plus de dix ans, je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dénoncé
que chaque fois qu'une émission est organisée, à propos de la
laïcité, sont invités des représentants ou des '' spécialistes
des religions
'', sans jamais qu'en contrepartie, pour animer ou nourrir
équitablement le débat, les '' grands
médias
'' traditionnels intègrent, ce qui ne serait que justice, la
participation de personnalités incroyantes dont les modes de pensées
sont concernés plus particulièrement par l'incontournable
association de la laïcité avec l'égalité femme-homme contre tous
les arrangements racistes qui font de la femme un être inférieur à
l'homme ?
Ici,
sur cette page, il me paraît approprié de reproduire dans son
intégralité un entretient avec madame Elisabeth Badinter, une
entrevue organisée par et avec la participation de madame Christine
Salvadé
Toujours égale à elle-même, madame Elisabeth Badinter, dans cet interviewe, exprime toute l'attention qu'elle porte à toute personne éprise de liberté ou à la défense de la liberté Crab ]
Par
Christine
Salvadé.
( Daté
du 22.09.2013
)
Le
Tessin vote ce dimanche sur l’interdiction de dissimuler son visage
dans l’espace public. En Angleterre, plusieurs politiciens
réclament une loi pour encadrer le port du voile. La philosophe
française a fait de la laïcité l’un des combats de sa vie
Quand
on s’invite chez la philosophe Elisabeth Badinter pour parler du
port de la burqa, elle répond: « Je vous attends de pied ferme. »
Depuis la première polémique en France sur le voile à l’école
en 1989, la défenseuse de l’égalité et de la laïcité n’a
jamais baissé pavillon. Il y a quatre ans, elle signait dans la
presse une petite chronique incendiaire à l’adresse des femmes qui
portent volontairement la burqa: « Sommes-nous
à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous
refusiez tout contact…? » Un texte qui fait encore le buzz
aujourd’hui en France où malgré les lois, rien n’est réglé.
Pourquoi
ne supportez-vous pas la vue d’une femme en burqa?
Parce
qu’elle peut me voir et moi pas. Je ne sais pas à qui j’ai à
faire. Elle, elle peut me détailler des pieds à la tête. C’est
une situation insupportable. Après tout, ça pourrait être un homme
que je n’en saurais rien. Cela ne relève pas de la philosophie
mais de la civilité. La civilité, c’est la réciprocité.
Porter la burqa est un écart insupportable à un minimum de
civilité. Voilà tout.
Pourquoi
est-ce si important de montrer son visage?
Lisez
Levinas. Montrer son visage, c’est montrer sa personnalité, ses
sentiments. On peut sourire, être sombre, fermé ou au contraire
avenant. Grâce au visage s’établit un lien entre les gens. Le
cacher, c’est une rupture du triptyque républicain: non seulement
la liberté et l’égalité sont bafouées, mais la fraternité est
impossible.
Vous
insistez sur le fait que le vêtement crée une inégalité entre les
hommes et les femmes. C’est pour cela que ça énerve tant la
féministe que vous êtes?
C’est
la raison qui m’a fait monter au créneau quand on a vu les
premières burqas en Afghanistan, en effet. La femme est
immédiatement désignée comme la source du péché de l’homme:
cache ton visage pour ne pas me provoquer! C’est totalement inégal.
Cela me fait penser à l’interdiction de la prostitution: les
femmes deviennent responsables du péché des hommes. Il n’y a plus
du tout d’équilibre entre les sexes. C’est la rupture absolue du
chemin vers l’égalité auquel, nous, dans notre culture, nous
tendons.
Vous
dites en même temps qu’elles se cachent et qu’elles s’exhibent
en arborant un attribut religieux. C’est paradoxal…
C’est
le paradoxe de la supériorité: elles vous voient, s’exhibent,
mais ne sont pas vues. Si vous n’avez jamais fait l’expérience
de mettre une burqa, vous ne pouvez pas savoir à quel point c’est
épouvantable.
Et
vous, vous avez essayé?
Oui,
une fois. La burqa est en vente partout dans le XIXe arrondissement à
Paris. Je ne l’ai pas achetée, c’est une amie qui me l’a fait
essayer. Je peux vous dire que c’est très inconfortable.
Comment
se sent-on dans la peau d’une femme voilée?
C’est
difficile à dire parce que ma situation était artificielle. Si elle
est portée volontairement, la burqa donne à la femme un sentiment
de jouissance et de toute-puissance : regardez-moi, je l’ai mise,
et ça m’est bien égal ce que vous pensez!
Et
toutes celles qui la portent parce qu’elles y sont contraintes?
Ce
n’est évidemment pas la même chose. Elles la supportent tant bien
que mal. Porter le voile intégral, ce n’est pas un signe isolé.
C’est lié à d’autres obligations. Les femmes ont lutté en
Occident pendant plus d’un siècle pour obtenir certains droits, et
puis arrivent ces femmes qui disent que ces combats sont nuls et non
avenus. Ce n’est vraiment pas compatible.
Faut-il
pour autant interdire tout ce qui vous dérange?
Il
y a beaucoup de choses qui me dérangent sans que je demande leur
interdiction. J’ai vu un jour rue de Varenne un monsieur traverser
en caleçon. Ça me dérange, mais ça n’est pas à interdire. On
voit des gens qui sont habillés de manière stupéfiante aujourd’hui
dans les rues, mais ça ne regarde qu’eux. Il y a deux choses que
l’on interdit: la nudité et l’absolue invisibilité du visage.
Parce que cela contrevient à nos règles.
Vous
préférez que les femmes musulmanes se cachent à la maison et
reproduisent ce que vous dénoncez dans vos ouvrages sur l’égalité:
elles au foyer et les hommes aux affaires de la cité?
Eh
bien oui qu’elles restent à la maison! Elles sont déjà enfermées
dans leur vêtement. Au moins, elles ne seront pas obligées de
mettre la burqa chez elle. C’est leur affaire, pas la mienne.
Vaut-il
vraiment la peine de débattre et de légiférer pour quelque 2000
femmes en burqa en France et peut-être 100 à 150 en Suisse, en
majorité des touristes des pays arabes? Ne vaudrait-il pas mieux
jouer l’indifférence?
Cela
ne me semble pas la bonne réponse. Nous assistons à une
augmentation massive de ces comportements. On voit bien qu’il y a
une volonté d’aller toujours un peu plus loin. Prenez le halal, un
autre réquisit. Des enfants ne mangent rien du tout à la cantine
parce qu’ils ont peur de manger non halal. Pour peu que vous ayez
aussi une communauté juive orthodoxe au même endroit, il faudra du
casher. Comment faire? L’indifférence me poussera à me plier aux
exigences des uns et des autres: ce n’est pas seulement une défaite
des principes, c’est ne plus maîtriser où l’on va. On m’a
raconté que dans une crèche parisienne, une dame des cuisines a
demandé récemment: il y a combien de cochons cette semaine? Voilà
comment on appelle les enfants qui mangent du porc: des cochons!
Faire mine qu’on ne voit rien, c’est la porte ouverte à un peu
plus de prosélytisme.
Êtes-vous
tout aussi sévère envers l’intégrisme juif, vous qui êtes de
confession juive?
Oui.
Comme disait mon papa qui était très croyant: on met sa kippa quand
on prie Dieu, à la synagogue ou chez soi. Pas à l’épicerie. J’ai
les yeux ouverts sur tous.
Si
vous êtes aussi virulente dans ce combat contre la burqa, est-ce
parce qu’il est au carrefour de deux de vos convictions: l’égalité
entre hommes et femmes et la laïcité?
Parfaitement.
Je double ma virulence.
Lequel
de ces deux combats vous tient-il le plus à cœur?
Question
difficile. La laïcité, je crois. Enfin: je trouve que le combat
pour les femmes a bien avancé en trente ans. Il y a encore à faire,
mais j’ai confiance. On va vers le mieux. Tandis qu’avec la
laïcité, on va vers le pire. Je crois que les deux sont liés. Il
faut une société laïque pour que les femmes puissent conquérir
toutes leurs libertés et l’égalité avec les hommes. C’est
peut-être parce que ce combat pour la laïcité me semble, je ne
vais pas vous dire perdu, mais en grand danger que je suis si en
colère sur cette affaire. Et tout ça, en plus, et ça me déchire,
avec la participation active de la gauche, voire de l’extrême
gauche.
Auriez-vous
la même attitude dans un pays comme la Suisse où la laïcité
fédérale n’existe pas?
Je
suis incapable de vous répondre. L’expérience de la guerre pèse
beaucoup sur ma position. Mes parents étaient reconnaissants que,
grâce à la laïcité française, ils ne soient pas définis par
leur identité religieuse. Nous savons ce que ça coûte d’être
définis d’abord par son appartenance confessionnelle.
Vous
auriez voté pour interdire la construction de nouveaux minarets
comme en Suisse?
Non.
Ça, je n’ai pas apprécié. On ne parle là que d’édifices.
C’était une blessure inutile.
La
France a des lois pour garantir la laïcité. Notamment contre le
port de la burqa dans l’espace public. Et pourtant, elles ne sont
pas respectées. Quand la police veut amender une femme en burqa,
cela provoque une émeute. Faire des lois, ça ne sert plus à rien?
Ce
n’est pas seulement sur les questions religieuses que les lois ne
sont plus respectées. Nous vivons dans une société anarchique.
Mais il ne faut pas abandonner les lois, c’est l’affirmation d’un
principe.
Que
voulez-vous dire par «société anarchique»?
Nous
assistons à un bouleversement de la notion de liberté. La
philosophie des Lumières a défini la liberté de façon
révolutionnaire: j’obéis aux lois que je me suis données et la
minorité s’y soumet. Aujourd’hui, la liberté signifie: je fais
ce que je veux. C’est-à-dire que j’obéis à mes envies, à mes
désirs, mais pas nécessairement à la raison ni à la loi.
Parallèlement s’est développé le multiculturalisme. Chacun fait
ce qu’il veut, et dans le multiculturalisme, cela se traduit par:
chaque communauté fait ce qu’elle veut. Je suis en profonde
opposition avec tout cela. Je pense que si l’on
a voté en France le mariage des homosexuels, ce n’est pas au nom
de leur différence, mais de leur ressemblance avec les autres. Nous
appartenons tous au même genre humain. Donnons la priorité à ce
qui nous unit plutôt qu’à ce qui nous distingue.
Comment
sortir de ce que vous appelez le «désert philosophique»?
J’avoue
que je suis un peu désemparée. Cela me peine beaucoup de constater
que ma génération a été incapable de théoriser les
bouleversements actuels dus à la mondialisation. Personne n’a vu
venir les conséquences incroyables d’Internet – bouleversements
des relations, de la sexualité, de l’intimité, etc. On a été
pris de court. Qu’a-t-on fait faux? Nous avons, les uns et les
autres, accouché de très peu de choses qui disparaîtront avec le
temps. On peut estimer que le marxisme et le léninisme ont des
effets pervers. Mais quelqu’un a pensé le monde de demain: c’était
Marx. Le Marx d’aujourd’hui existe peut-être, mais on ne le
connaît pas encore.
Vous
êtes fatiguée de vos combats?
Je
me sens dans l’ambiguïté. J’arrive à la conclusion que l’on
ne convainc que les gens qui partagent déjà votre opinion. Les
autres ne veulent pas vous entendre, ils ne veulent que vous
combattre. Mais par ailleurs, même si je vais bientôt avoir 70 ans,
je suis incapable de me taire. Renforcer l’avis des gens qui
pensent comme moi, c’est les aider à ne pas se décourager. Pour
eux, je repartirai au combat. x Elisabeth Badinter chez elle à
Paris. «Bien sûr que vous pouvez me photographier en train de
fumer. Je m’en fiche.» Fin de l'article de presse
[
Ce qui est parfaitement rappelé dans cet
entretien, c'est que tous les voiles ou voile dit intégral au même
titre que la burqa n'ont rien à voir avec la croyance dans une
divinité ni même avec la religion
Crab - 23 Septembre 2013
]
Suites :
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La poésie dit l'essentiel avant que la philosophie ne s'en mêle, et dans toute l'histoire de la vie spirituelle de l'humanité il n'y a jamais qu'un seul créateur, le poète, ainsi qu’un unique miracle, la musique.
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Athée libertaire et non athée chrétien, amoureux des arts et plus particulièrement de l'Opéra.
Prioritairement engagé pour combattre l'antisémitisme et participer au débat public afin de réunir les conditions d'un changement ouvrant la voie à une démocratie avancée. En remplaçant le système politique actuel jacobin ou monarchique par une république girondine.
Claude Bouvard
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